Réactivité et agilité semblent aujourd’hui être les maîtres-mots des politiques d’innovation, qu’elles soient publiques ou privées, civiles ou militaires. Pour les armées, elles sont un élément clé de la réponse face à l’incertitude stratégique et à l’évolution rapide des menaces.

Dans ce contexte, le Ministère des Armées a réformé en profondeur depuis près de trois ans son organisation pour faire face aux défis de l’innovation. Derrière ce concept aux contours parfois mal définis se cache une nécessité impérieuse : celle de réduire les boucles capacitaires et de conserver l’ascendant.

Le besoin d’adaptation est donc fort, dans un processus qui associe désormais un grand nombre d’acteurs, étatiques et privés, civils et militaires, qu’ils soient chercheurs, ingénieurs, techniciens ou l’utilisateur final, chaque militaire étant appelé à être acteur de l’innovation à son niveau. Les pratiques sont elles aussi diverses et marquées par une série de ruptures : celles-ci touchent les technologies mises en œuvre, l’échelle des programmes concernés, mais aussi les pratiques managériales. Cette diversité des pratiques et des acteurs appelle une évaluation et la formulation de recommandations, en vue notamment de mieux former les parties prenantes, au Ministère des Armées comme dans les formations civiles d’ingénieurs amenés à travailler sur des questions de défense.

Le programme proposé ici propose d’appliquer à la problématique du management de l’innovation les outils et les méthodes d’analyse sociohistorique en choisissant pour terrain d’étude la Marine nationale et les systèmes navals qu’elle met en œuvre. Les enquêtes seront menées auprès de l’ensemble des quatre composantes de la Marine, prises dans leur diversité culturelle, organisationnelle, technique comme autant d’éléments d’un système adaptatif complexe confronté aux défis d’une nouvelle donne stratégique et d’une nouvelle organisation.

Le choix de ce terrain est gouverné par une logique de milieu et par la cohérence d’un système. La première tient à l’ancrage fort des partenaires de ce projet dans l’environnement décrit et leur implication dans la structuration de l’innovation navale sur le pôle brestois. La seconde résulte de l’interdépendance globale d’éléments constitutifs apparemment hétérogènes. Ces enquêtes permettront d’établir une cartographie des acteurs, mais aussi de caractériser la nature de leurs interactions ainsi que les lieux où celles-ci se mettent en place. Elles auront également pour ambition de mettre en évidence le cas échéant les problématiques émergentes susceptibles de devenir des points d’achoppement des processus d’innovation. Une attention particulière sera ici portée aux enjeux éthiques de l’innovation dans les axes d’effort transverses essentiels tels que l’intelligence artificielle.  L’adoption d’une perspective diachronique permettra d’identifier les évolutions du rôle respectif des différents acteurs dans un contexte institutionnel mouvant, tout en mettant en lumière les spécificités nationales qui pourront apparaître.

Une revue de littérature viendra compléter l’enquête de terrain et proposer des éléments de comparaison avec les démarches mises en œuvre dans d’autres pays. L’analyse méthodique développée dans le cadre de ce programme donnera lieu à la production d’analyses et de recommandations destinées aux différents acteurs mobilisés ainsi qu’à l’élaboration d’un corpus théorique dont les conclusions ne se limiteront pas au seul environnement naval et pourront être transposées à d’autres milieux. Un effort significatif de diffusion de l’information scientifique et de formation sera consenti à cette fin.